Le taux de chômage de l’Insee a atteint un plus bas depuis 1983 à 7,1%. Emmanuel Macron aurait donc réussi son pari d’atteindre un taux de chômage de 7%, 2 ans avant l’échéance de son mandat. Il n’en est évidemment rien : 700.000 emplois ont été détruits selon le même institut statistique Insee sur les 6 premiers mois de l’année. Loin d’être une anecdote, cette baisse absurde est le révélateur d’un gros problème : le taux de chômage selon l’Insee n’est pas une statistique mais un sondage qui minore les chiffres du chômage. Un long questionnaire est proposé au sondé : il est chômeur, notamment s’il n’a pas travaillé une seule heure par semaine, s’il exerce bien des « recherches actives » d’emploi et s’il est prêt à prendre un travail dans 2 semaines. Tout sondage dépend des questions posées et peut être aisément manipulable, voici pourquoi le taux de chômage estimé par l’INSEE est aberrant. Voilà pourquoi le fait que le « taux de chômage » soit à un plus bas de près de 40 ans n’a aucun sens.
L’organisme public Pole Emploi enregistre des données en dur : des personnes ayant perdu leur travail et indemnisé ou non. Mi 2020, 6,8 millions de personnes étaient inscrites à Pole Emploi. Les derniers chiffres de l’Unedic indiquent que seuls 2,4 millions reçoivent une indemnisation chômage de 900 euros en moyenne. Tout inscrit à Pole Emploi doit faire une déclaration tous les mois à date fixe et rechercher activement un travail pour rester sur cette liste ; sont donc éliminées de Pole Emploi toutes les personnes qui n’ont plus d’allocations chômage et sont découragées d’actualiser leur situation chaque mois. On pensera notamment aux 2 millions de personnes au RSA c’est-à-dire à 565 euros par mois, pour vivre ou survivre.
La divergence entre les chiffres de Pole Emploi et les chiffres de l’Insee est énorme : d’un écart de 1,4 million de personnes en 1996, nous sommes passés aujourd’hui à un écart de 4,5 millions de personnes entre les chômeurs selon l’Insee et les chômeurs selon Pole Emploi en catégorie ABCD. La catégorie ABCD regroupe les personnes inscrites à Pole Emploi sans aucune activité, avec une activité à temps partiel ou en formation. Ce morcellement des chômeurs en plusieurs catégories est fait pour compliquer la lecture des chiffres.
Mais ce n’est pas tout.
Le montant du RSA est de 565 euros par mois. Avec 565 euros par mois, on ne vit pas, on survit.
Il est légitime de supposer que la grande majorité des français au RSA sont des personnes qui n’arrivent pas à trouver du travail et non des profiteurs qui sont heureux de vivre avec 565 euros par mois.
Il est donc légitime de considérer que le RSA est un chômage masqué. Nous arrivons alors à 8,3 millions de chômeurs en France et un taux de chômage de 26% en France.
Il existe d’autres dispositifs, masquant le chômage, difficiles à chiffrer : des personnes faisant des petits jobs de quelques heures par semaine qui ne sont ni à Pole Emploi ni au RSA (pas d’indemnisation), des conjoints au chômage qui n’ont aucune allocation et ne déclarent plus leur chômage à Pole Emploi, des étudiants qui poursuivent leurs études un ou deux ans car ils savent que leurs chances de trouver un travail est extrêmement faible, des auto entrepreneurs avec presque aucune activité etc.
Le régime d’auto entrepreneur permet en effet lui aussi de cacher nombre de chômeurs : une auto entreprise ne coûte rien à monter, comprend des déclarations très simples à l’Etat et donne de l’espoir de gagner un peu d’argent à celui qui n’a pas de travail. Il n’est le plus souvent pas comptabilisé comme chômeur mais a souvent des revenus bien en dessous du SMIC. Hors activité de complément pour des salariés travaillant sur leur temps libre, il y a 1 million d’auto entrepreneurs à fin 2019. Le chiffre d’affaire mensuel moyen est de 800 euros par mois, le salaire est encore bien plus bas après les charges et les cotisations sociales. L’auto entrepreneur n’a souvent pas un vrai travail mais n’est pas non plus un vrai chômeur.
Le chiffre du chômage de l’Insee masque l’envolée considérable du chômage en France qui est presque 4 fois plus élevé qu’annoncé par le gouvernement et les médias.
Même l’économiste Olivier Passet du sérieux institut économique Xerfi a dans une vidéo dénoncé « les grosses ficelles de la maîtrise du chômage »[1] : « Tous ces dispositifs ne permettront pas de camoufler intégralement la vague de licenciements qui se profile… A défaut d’agir sur le réel, les économistes sont devenus des maîtres dans l’art de la déconnexion. »
Ce mensonge sur le réel taux de chômage est une insulte faite à l’intelligence des français, c’est aussi une grande violence faite à ceux qui désespèrent jour après jour de trouver un emploi et qui sont masqués, ignorés.
Pour se faire une idée de ce qu’est la violence du chômage en France, il faut observer ce qui s’est passé après le plan social et la fermeture de l’usine Goodyear à Amiens en 2014 : 4 ans après la fermeture, sur 1143 salariés licenciés, 150 ont retrouvé du travail en CDI, 180 en CDD, une centaine sont partis en retraites et 700 salariés pointent toujours à Pole Emploi[2]. Le bilan est aussi de 14 suicides et de 300 divorces. Il existe dans notre pays une forme de violence politique et économique.
[1] « Les grosses ficelles statistiques de la maîtrise du chômage » par l’institut économique Xerfi https://www.xerficanal.com/economie/emission/Olivier-Passet-Les-grosses-ficelles-statistiques-de-la-maitrise-du-chomage_3748946.html :
[2] « Goodyear et ses fantômes » dans le monde diplomatique https://www.monde-diplomatique.fr/2018/05/EYCHENNE/58655