La fermeture de Fessenheim et la fermeture programmée de nombre de centrales nucléaires françaises est une erreur fatale dans la transition énergétique : un gâchis financier, humain et climatique

Fermeture de la centrale de Fessenheim, un gâchis financier, humain et climatique.

La centrale nucléaire de Fessenheim, ayant fourni une grande quantité d’électricité sans émissions de CO2 durant 42 ans, arrêtera définitivement sa production demain, le samedi 22 février 2020. C’est un jour triste pour le climat, c’est aussi un jour triste pour l’autonomie énergétique de la France.

Cette centrale nucléaire comprenant deux réacteurs a commencé à produire de l’électricité en 1977. Elle produit bon an mal an 10 milliards de kilowatt-heure d’électricité, emploie directement 1100 personnes et son chiffre d’affaire peut être estimé à 1,4 milliards d’euros au prix de revente de l’électricité au consommateur.

Cette centrale a 42 ans, l’Autorité de Sureté nucléaire la juge sure. Sa durée de vie devait être prolongée à 60 ans après une remise à niveau mais certains hommes politiques en ont décidé autrement (Certaines centrales nucléaires américaines ont 50 ans et sont d’ores et déjà autorisées à produire jusqu’à 60 ans).

Mettre à la casse une telle unité de production d’électricité, 18 ans avant sa fin programmée, est un gâchis : gâchis d’argent puisque sa construction a coûté environ 3 milliards d’euros[1], gâchis de 2000 emplois directs et indirects[2], gâchis dans la lutte pour le réchauffement climatique.

Pourtant, la centrale de Fessenheim émet très peu de CO2 (seulement 12 grammes de CO2 par kilowatt-heure d’électricité produite). La façon la plus propre pour remplacer l’électricité de Fessenheim est de produire de l’électricité avec des énergies renouvelables éoliennes et solaires complétées par une centrale au gaz lorsqu’il n’y a pas assez de vent ou de soleil, la nuit par exemple. Dans le meilleur des cas, à cause des périodes sans vent ou sans luminosité, les éoliennes et les panneaux solaires produiraient 35% de la production d’électricité avec peu d’émission de CO2 et la centrale au gaz 65% avec beaucoup d’émission de CO2[3]. Le calcul, simple, montre que Fessenheim émet 30 fois moins de CO2 que le couple énergies renouvelables et gaz[4] nécessaire pour la remplacer.

Si on réalise le programme d’Europe Ecologie les Verts, le remplacement de toutes les centrales nucléaires par des énergies renouvelables et des centrales au gaz, cela augmenterait ainsi les émissions de CO2 de la France de 132 millions de tonnes de CO2[5]. Ces calculs montrent toute l’absurdité de ce projet : chaque année, la France rejetterait ainsi près de 40% de CO2 en plus dans l’atmosphère qu’elle n’en rejette aujourd’hui !

Le nucléaire est nécessaire à la lutte contre le réchauffement climatique

Le nucléaire a beau être brocardé par les « verts », il émet nettement moins de CO2 que le couple électricité renouvelable intermittente, obligatoirement complétée par des centrales fossiles. Ce n’est pas pour rien que le champion des énergies renouvelables, l’Allemagne, a ouvert nombre de centrales au gaz (et même au charbon) ces dernières années. Ce pays démarrera d’ailleurs en 2020 une énième centrale… au charbon[6] !

Les centrales nucléaires françaises ont économisé sur toute leur durée de vie 22 ans de rejets de CO2 d’un pays comme la France d’aujourd’hui, ou 9 ans de rejets de CO2 d’un pays comme l’Allemagne [7]! Un sacré service rendu au climat.

Le nucléaire permet à la France d’être le grand pays industrialisé le plus économe en CO2 : le français moyen émet selon la Banque Mondiale 4,6 tonnes de CO2 par an quand le terrien moyen en émet 5 tonnes par an, l’Allemand 8,9 tonnes par an.

Le nucléaire et les énergies renouvelables sont complémentaires

Le nucléaire est donc nécessaire à une production d’électricité avec le minimum d’émission de CO2. Faut il en déduire que les éoliennes et les panneaux solaires ne peuvent servir à rien ? Assurément non.

Un pays comme la France, ayant une électricité rejetant très peu de CO2, peut installer des éoliennes et des panneaux solaires en nombre. L’électricité produite sera utilisée pour produire sans émission de CO2 de l’hydrogène dans des électrolyseurs[8]. Cerise sur le gâteau pour la France, les centrales nucléaires ne produisent pas toujours à plein régime. Il est possible et très rentable de se servir de cette production d’électricité supplémentaire à coût quasi nul pour produire encore plus d’hydrogène propre.

Cet hydrogène propre est produit à un coût acceptable et coute moins cher que l’essence si on ne lui met pas sur le dos les taxes excessives sur le carburant. L’hydrogène est l’essence de demain.

Il existe déjà des trains à hydrogène Alstom permettant de remplacer les trains au Diesel. Bizarrement, ce train roule en Allemagne. La SNCF va cependant commander 17 trains Alstom à hydrogène[9]. En utilisant cette technologie, nous pourrons remplacer les bus diesel par des bus à hydrogène en ville, allégeant du coût l’émission de particules fines. Les infrastructures hydrogène se développant, nous pourrons, dans une dizaine d’années, passer aux camions à hydrogène, aux voitures à hydrogène (3 voitures de série existent déjà et Paris compte 100 taxis à hydrogène et bientôt 600[10]). Dans un jour lointain, l’avion à hydrogène et le bateau à hydrogène sont un développement tout à fait réaliste.

Le système de transport peut donc à terme se passer d’énergie fossile.

Voilà pourquoi, la fermeture de Fessenheim et la fermeture programmée de nombre de centrales nucléaires françaises est une erreur fatale dans la transition énergétique : c’est un gâchis terrible dans la lutte contre le réchauffement climatique, un gâchis financier et un gâchis humain. Une très mauvaise décision de nos gouvernements qui n’ont malheureusement pas de stratégie réaliste et pragmatique pour que la France se passe à terme des énergies fossiles.

Je développe en détail ce sujet de la transition énergétique et tous les autres sujets de la transition écologique dans un livre à paraître le 2 Avril « Comment réaliser la transition écologique, un défi passionnant »[11].

 

[1] Le coût de construction des centrales nucléaires d’EDF est estimé par la cour de Comptes à 96 milliards d’euros. Fessenheim représente 2 réacteurs sur 58 réacteurs nucléaires français. L’évaluation à la louche du coût de construction de Fessenheim est donc 3,3 milliards d’euros d’aujourd’hui (Calcul : 2/58*96=3,3)

[2] La fermeture de la centrale de Fessenheim affecterait 2000 emplois https://www.lefigaro.fr/flash-eco/2014/07/01/97002-20140701FILWWW00030-fermer-fessenheim-affecterait-2000-emplois.php

[3] En France, une éolienne produit environ 2000 heures par an quand un panneau photovoltaïque produit 1100 heures par an. En additionnant les deux, ce qui est simpliste mais donne le résultat le plus favorable pour les énergies renouvelables, nous arrivons à 3100 heures par an soit 35% du temps. Le calcul réel est complexe, tient compte de la courbe réelle de consommation nationale d’électricité et de production prévisible heure par heure des énergies renouvelables, de la présence de vents et de soleil au niveau local quand il ne l’est pas au niveau national mais les ordres de grandeur sont acceptables.

[4] La production de Fessenheim est de 10 milliards de kilowatt-heure d’électricité par an. Fessenheim émet 12 grammes de CO2 par kilowatt-heure produit. Fessenheim émet donc chaque année 0,12 millions de tonnes de CO2 (Calcul : 10*109*12/1012=0,12).

Une centrale au gaz émet 490 grammes de CO2 par kilowatt-heure produit quand le couple éolienne et solaire émet en moyenne 30 grammes de CO2 par kilowatt-heure produit. Le couple énergie renouvelable centrale au gaz émettra donc chaque année 3,3 millions de tonnes de CO2 (Calcul : 65%*(10*109*490/1012)+35%*(10*109*30/1012=3,29)

 

[5] La production d’électricité nucléaire totale en France, c’est 40 fois Fessenheim. Remplacer toutes les centrales nucléaires par des éoliennes, des panneaux solaires obligatoirement adjoints de centrale au gaz, c’est donc 132 millions de tonnes de CO2 émis en plus chaque année. (Calcul : 40*3,3=132)

 

[6] L’Allemagne mettra en service une toute nouvelle centrale à charbon en 2020 https://www.bfmtv.com/economie/l-allemagne-va-mettre-en-service-une-toute-nouvelle-centrale-a-charbon-en-2020-1799343.html

 

[7] La production nucléaire de la France depuis 1977 est de 14 000 milliards de kilowatts heure. En les remplaçant par des centrales au gaz, puisque les énergies renouvelables n’existent que récemment, l’économie est environ de 6700 millions de tonnes de CO2 (Calcul : 14000*1000000000*(490-12)/ 1012)=6692). La France a émis environ 300 millions de tonnes de CO2 en 2019 (source Banque Mondiale). L’Allemagne a émis environ 700 millions de tonnes de CO2 en 2019 (source Banque Mondiale).

 

[8] Lire par exemple H2V prêt à déployer ses deux usines d’hydrogène vert https://www.lesechos.fr/pme-regions/actualite-pme/h2v-pret-a-deployer-ses-deux-usines-dhydrogene-vert-993002

 

[9] A qui va profiter la future commande de 15 trains à hydrogène par la SNCF https://www.usinenouvelle.com/article/a-qui-va-profiter-la-future-commande-de-quinze-trains-a-hydrogene-par-la-sncf.N878830

[10] Et maintenant, les taxis à l’hydrogène http://www.leparisien.fr/info-paris-ile-de-france-oise/transports/et-maintenant-les-taxis-a-l-hydrogene-24-02-2019-8019378.php

[11] Edition Jean-Cyrille Godefroy