La France risque d’entrer dans une phase de confinement général et c’est tant mieux, même si nous n’avons individuellement aucune envie de cette relative solitude ou de cette relative inaction qui s’imposera à nous pour 5 semaines. Collectivement, nous en avons besoin pour gagner cette guerre contre cet ennemi invisible qu’est le Coronavirus.
Notre gouvernement a perdu la bataille de la phase 1 : empêcher le virus d’entrer sur le territoire ou bien en quantité négligeable, rapidement détectée, cernée et traitée. Le virus n’a certes pas de passeport mais leurs porteurs, passés par la Chine puis par l’Iran, la Corée du Sud, l’Italie etc. ont un passeport. A coup de quarantaines imposées, d’interdiction d’entrée sur le territoire à ceux qui étaient passés en Chine dans les dernières semaines, de tests, Taïwan qui n’a que 29 malades déclarés, Hongkong 56 malades et Singapour 107 malades, ont pour le moment gagné cette bataille. Leurs liens et leurs échanges avec la Chine sont pourtant intenses.
Notre gouvernement a également perdu la phase 2 que la Corée du Sud semble en train de gagner. Ce pays a subi une soudaine poussée épidémique et compte aujourd’hui 8000 cas déclarés. Cependant, la progression du virus ralentit très fortement : le pays déclare seulement 100 nouveaux cas par jour depuis le 11 mars. Diverses mesures dont la multitude de tests effectués (de 10 à 20.000 tests par jour) ont permis au pays d’éviter la massification de la population, pour le moment au moins. La bataille était donc gagnable.
La crise aurait pu être évitée, tant sanitaire qu’économique mais le gouvernement français a, par inconséquences, impréparation, perdu la phase 1 et la phase 2 dont le coût en vie (et en argent) étaient faibles. L’absence de tests et de masques en nombre suffisant, le nombre de cas réels très élevés en France nous empêche de gagner aujourd’hui la phase 2.
Le gouvernement doit gagner la phase 3, empêcher la massification de l’épidémie. Le résultat d’une expansion forte de l’épidémie serait terrible : puisque 15% des contaminés finissent dans un état sévère et 5% dans un état critique, on pourrait manquer de respirateurs ce qui obligerait comme en Italie à choisir entre les gens qu’on laisse délibérément mourir et ceux qu’on essaie de sauver. Selon une note de 2009, il y aurait entre 5 et 10.000 respirateurs en France, appareils nécessaires pour traiter les cas critiques; peu d’informations filtrent sur nos capacités actuelles[1].
Le docteur Eric Caumes, chef du service des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital la Pitié Salpêtrière, a estimé le nombre de malades réels devant son ministre de la Santé Olivier Véran dans l’émission « La grande confrontation » : 100 fois plus que le nombre de contaminés recensés ce qui ferait 540.000 contaminés ce dimanche. La crise sanitaire est grave, très grave. Et les demi-mesures annoncées par Emmanuel Macron ne suffiront pas.
La France n’a pas le choix : elle doit confiner totalement la population pour empêcher l’épidémie de se répandre. Imaginez si Jean-Michel Blanquer, qui aurait bien fait de se taire, disait vrai ce dimanche : « le Coronavirus touchera probablement la moitié des français ». 33 millions de personnes seraient touchés et 1,65 million risqueraient d’être dans un état critique ! Comptez les morts, je n’ose pas vous le dire. Les français ne sont pas de la « chair à virus » : l’affirmation de Blanquer est une affirmation évidemment stupide, fait étrange pour un ministre de l’éducation. Il ne sert à rien d’être défaitiste sauf si nous souhaitons perdre cette guerre.
Il reste bien une ultime chance de gagner : le confinement total de la population. Arrêter économiquement la France pour sauver sa population, à l’exception des services essentiels, alimentaire, pharmacie et médecine, pour une durée minimum d’un mois. Se soigner et se nourrir. Si des entreprises peuvent s’adapter et continuer avec le télétravail ou avec des risques minimaux, (port de masques, désinfection adaptée…), ce sera tant mieux. Laissons les ouvrir avec des consignes strictes et vérifiées. Ces mesures arrêteront rapidement la propagation de l’épidémie à condition que les français puissent sortir faire leurs courses alimentaires avec des masques ou être livré chez eux pour leur alimentation. Les Chinois sont, semble-t-il, parvenus à stopper une épidémie galopante après une guerre totale de ce genre contre cet ennemi invisible. Un mois et demi plus tard, on constate que le bilan sanitaire est très limité. Evidemment, ces mesures ne doivent pas avoir la portée parfois violente de celles prises par le régime communiste chinois mais les dérives individualistes dangereuses pour tous doivent être fermement sanctionnées. Montrer à tous que seul le civisme, l’entraide et la solidarité entre frères humains sont permis. Les mesures doivent être comprises et acceptées par une population à qui l’on doit la vérité : le virus fera un nombre considérable de morts si on ne l’attaque pas de front. Les français l’accepteront si le gouvernement prend ces mesures efficaces pour tous et livre enfin une parole de vérité.
Dans une guerre, il faut aussi une économie de guerre.
Pour cela, il faut tout donner à l’hôpital, aux médecins et infirmières pour qu’ils sauvent le maximum de vies. Augmenter leur rémunération pour leur demander pardon pour le saccage subi depuis des années et montrer notre reconnaissance pour leur sacrifice est un préalable. Leur donner autant d’argent que nécessaire pour acheter des respirateurs, des gels hydro alcooliques, des masques protecteurs et tout ce qu’il faut pour sauver nos vies. Il faut aussi tout faire pour produire, comme en économie de guerre, des respirateurs et tous les appareils de soin nécessaires. La recherche sur les traitements et vaccins devra être grandement accélérée, dès maintenant.
Si nous faisons un tel effort, ce n’est pas pour le ruiner immédiatement par une contamination venue de l’extérieur. Pour la circulation des personnes, les frontières devront être fortement contrôlées, voire fermées avec tous les pays touchés par l’épidémie. Qui voudrait d’ailleurs venir dans une France confinée et contaminée ? En nous protégeant, nous protégeons les autres.
Arrêter fortement l’activité économique, le gagne pain des français, est difficile mais obligatoire pour gagner cette guerre. L’activité économique baissera de 50% au minimum, cela dépend de nombre de facteurs (nombre de masques réellement disponibles, application des mesures par les entreprises etc.). Les masques doivent être donnés par ordre de priorité aux activités économiques les plus importantes : la santé et l’alimentaire en premier.
Les entreprises feraient faillite en masse si on en restait là. Or, tout doit être fait pour préserver ces organisations humaines, à la fois unités de production et ressources vitales pour les salariés et les chefs d’entreprise.
Les mesures économiques annoncées par Emmanuel Macron jeudi soir vont dans le bon sens. En effet, toutes les entreprises doivent survivre à la période de confinement. Idem pour les ménages qui ne doivent pas être profondément affectés financièrement et faire par exemple défaut sur leurs divers crédits dont le plus gros, le crédit immobilier.
Pendant la période de confinement, le chômage partiel payé en partie par l’Etat est un bon début. Les salariés, les indépendants interdits de travailler doivent recevoir 70-80% de leurs revenus nets habituels pour que les ménages ne soient pas en difficulté. Les intérimaires dont le contrat est stoppé seront partiellement payés par l’Etat pendant le confinement. Les allocations financières aux chômeurs dont les indemnités arrivent à terme doivent être prorogées. Les remboursements des emprunts et des intérêts bancaires pourront être reportés de la même durée pour tous ceux dont les revenus ont été réduits de plus de 10%. La Banque Centrale compensera l’effort fait par les banques.
Concernant les entreprises et les commerces dont l’activité sera profondément affectée : la survie de tous nécessite un non paiement des charges sociales, un report des remboursements des emprunts et des intérêts, un paiement partiel voire total des salaires par la puissance publique. C’est à ce prix que nous empêcherons la destruction de notre organisation économique. Si de grosses entreprises cotées en bourse ou non sont, malgré toutes ces aides, confrontées à des difficultés insolubles dues à des risques trop élevés pris précédemment, l’Etat devra les sauver en prenant des parts dans le capital. Cela s’appelle en bon français des nationalisations partielles. Les actionnaires sont rémunérés pour les risques pris nous dit-on, l’Etat, lui, n’est pas un gogo qui doit socialiser les pertes et assurer la privatisation des bénéfices.
Ce n’est pas la bourse et le patrimoine des milliardaires et millionnaires qu’il faut assurer, ce sont les organisations humaines qui sont nécessaires à la Nation. La Banque Centrale Européenne a annoncée jeudi utiliser sa planche à billet donc de « l’argent public européen » (ce mot a-t-il un sens ?) pour acheter 120 milliards d’euros de dettes publiques et de dettes privées aux investisseurs. C’est toujours la même erreur, faute : sauver la finance en premier quand il faut sauver l’économie réelle d’abord. Nous n’y pouvons rien, étant coincés dans l’Union Européenne. Mais, il est nécessaire que l’Etat français prenne ses responsabilités et sauve l’économie française par le bout de l’économie réelle et non par la finance, en la favorisant encore et encore.
Tout ceci coutera cher, sans doute plus de 100 milliards d’euros mais une destruction de notre tissu économique couterait encore plus cher et obscurcirait définitivement notre avenir. Bien sûr, si le gouvernement avait su empêcher l’arrivée du virus comme à Taïwan et Singapour, avait su empêcher la massification de la contamination comme en Corée du Sud aujourd’hui, le coût aurait été infiniment moindre. Il est trop tard pour le regretter. Il faut mener ensemble cette guerre contre l’ennemi invisible qu’est le Coronavirus.
Cet ennemi disparaîtra de notre pays en un ou deux mois. Pour qu’il ne revienne pas en franchissant les frontières avec des porteurs passant par des pays touchés, il faudra continuer à les contrôler fermement jusqu’à ce que la maladie soit terrassée par un vaccin. L’affaire d’un an au minimum selon les spécialistes médicaux. Ce virus met décidemment la mondialisation et le néolibéralisme au supplice.
[1] Synthèse statistique : Recensement des respirateurs, lits et effectifs en unités de réanimation, unités de surveillance continue et salles de soins post-opératoires. http://www.snmrhp.org/Data/upload/images/1Copie%20de%20Enqute%20Ra-respirateurs%20juin%2009%20(S%20Mouton%2014%20aot%2009).pdf