Des phénomènes étranges secouent les entreprises françaises aujourd’hui.
Les entreprises sont évidemment diverses puisqu’elles sont dirigées par des personnalités diverses. Ce qui sera dit sur les entreprises relève de généralités et non de cas particuliers. Je souhaite que personne ne se sente attaqué par cet article parfois éloigné du langage politiquement correct.
La première chose à noter est la baisse jamais vue de la productivité du travail dans les entreprises françaises. Depuis 2019, la productivité par tête, le PIB divisé par le nombre de salariés, a baissé de 4%. Comme on le voit sur le graphique, c’est du jamais vu en France hormis pendant de courtes durées, lors de violentes récessions.
Ce phénomène de baisse ou d’arrêt de la hausse de la productivité existe à des degrés moindres dans d’autres grands pays européens.
Quelques constats factuels : absentéisme, turnover, baisse du niveau de vie, ubérisation.
L’absentéisme monte en flèche dans les entreprises françaises et les entreprises subissent un turnover, une rotation des salariés de plus en plus élevés : il est passé en 10 ans de 13% à 19% des salariés chaque année[1]. Le pouvoir d’achat des salariés s’effrite depuis longtemps (les revendications des gilets jaunes de 2018 sont là pour en témoigner). Ce phénomène a subi une brusque accélération avec la poussée d’inflation des deux dernières années. Pire, les salariés français sont sur la voie de la smicardisation. Nous sommes passés de 10% de smicards en 2017 à 17% de smicards en 2023[2]. Dans le même temps, le nombre d’autoentrepreneurs actifs est passé de 700.000 à 1.700.000. Ces autoentrepreneurs actifs dont c’est souvent la seule source de revenus touchent environ la moitié du smic, 620 euros par mois[3]. Macron a poussé l’autoentrepreneriat, une catégorie de sous-salarié, qui gagnent 600 euros par mois à travailler comme livreur de colis en camionnettes, conducteur Uber en voiture ou livreur à vélo. C’est plus écologique ! Ce phénomène se répand à grande vitesse et touche maintenant les cadres. Des entreprises exploitant des centaines de cadres autoentrepreneurs précarisés se montent dans les métiers du conseil par exemple. Les gens l’acceptent car beaucoup ne trouvent pas de travail en contrat à durée indéterminée, mieux payé, plus stable et plus socialisant. Et comme vous l’avez remarqué en réceptionnant vos colis si vous habitez en zone à faible densité d’habitants, ces livreurs autoentrepreneurs, parfois même les postiers, se foutent pas mal de la qualité de service. Payés au lance-pierre, il est difficile pour les entreprises de trouver des volontaires et il est donc difficile de leur reprocher le travail mal fait. Idem pour les sociétés de conducteurs de VTC et bien d’autres activités d’autoentrepreneurs. Idem pour toutes les sociétés employant à foison des intérimaires ou des personnes en contrat à durée déterminé.
Un désengagement marqué des salariés, une démotivation ?
La hausse généralisée de l’absentéisme, du turnover et la baisse de productivité est probablement révélatrice d’une démotivation, d’un désengagement important des salariés dans les entreprises et de défaillances du management. Les salariés semblent se rebeller contre des conditions de travail devenues trop dures, contre la perte de sens du travail, le manque de reconnaissance pour le travail fourni. La peur du chômage a permis de tenir les salariés pendant de nombreuses années mais à force de tirer sur la corde, la corde se casse.
Le cabinet Empreintes Humaines fait régulièrement des sondages sur les salariés et en tire un baromètre annuel. Il en ressort que 4 sur salariés sur 10 disent vouloir quitter leur entreprise et qu’un salarié sur 2 se déclare en détresse psychologique[4]. Ces chiffres semblent étonnamment élevés et le baromètre se dégrade constamment dans le mauvais sens. Quand vous échangez avec les salariés dans les entreprises, avec les directeurs de ressources humaines, ceux-ci évoquent justement dans nombre d’entreprises une forme de ras-le-bol général, cette perte de sens du travail et ce manque de reconnaissance pour le travail fourni.
Quelles sont les causes de ces processus.
Les causes de tous ces processus humains sont complexes.
L’un d’entre eux est la financiarisation des entreprises via les bonus liés aux résultats (pour les entreprises cotées en bourse, ce sont les stock-options) ou via les rachats d’entreprise par endettement par des entités financières (Leverage Buy Out). Les moyennes et grandes entreprises exercent ainsi une pression continue sur les salariés pour produire toujours plus de résultats dans une logique de court terme, à l’aide de process numériques toujours plus contraignants, générant une véritable bureaucratie en entreprise. Ces processus sont déshumanisants et nombre de dirigeants ont oublié que les hommes ne se gouvernent pas comme les robots. Les moyennes et grandes entreprises étant des donneurs d’ordre à de multitudes de sous-traitants, la financiarisation affecte par ricochet une partie des petites entreprises. Quant aux rachats d’entreprises par des entités financières via un fort endettement (Leverage Buy Out), la pression financière est encore plus grande sur les salariés et dirigeants. Le fardeau de la dette doit être payé coûte que coûte et un retournement de conjoncture peut s’avérer mortel pour l’entreprise. Il n’y a malheureusement pas de statistiques disponibles sur le nombre d’entreprises coulées par de tels rachats mais les salariés voire les dirigeants s’en plaignent ostensiblement. Tout ceci contribue à un processus de désengagement.
L’excès de fluidité, un problème de notre temps ? Une organisation humaine trop stable peut se nécroser et devenir inefficace, cela a été observé dans certains services publics. Une organisation trop fluide peut devenir inefficace, par manque de liens, de confiance, de communication et de capacité à s’adapter aux problèmes. Pire, si la fluidité est obtenue avec des salaires en baisse, l’engagement des salariés est forcément plutôt mauvais. C’est sans doute un des problèmes posés à nos entreprises : l’excès de fluidité, le manque de repères stables ne serait-il pas néfaste à l’efficacité ? A force d’externalisation, de sous-traitance à tous les niveaux, de télétravail, parfois de manque de reconnaissance du travail fourni, les entreprises n’auraient-elles pas trop tiré sur la corde ?
N’étant pas un expert de ces sujets, j’évoquerai sans les détailler d’autres causes possibles de la baisse de productivité. Le niveau de stress de la population française est élevé suite à la gestion « chaotique » de deux ans de covid, à la guerre en Ukraine et aux multiples crises qui ébranlent la société française. Manque de sommeil, addiction au portable, pertes du lien social peuvent expliquer une partie des problèmes humains et de productivité affectant les entreprises. Le comportement souvent méprisant envers le peuple français du président Macron, « Une gare, c’est un lieu où on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien », a entraîné une partie de la classe dirigeante de notre pays à une attitude condescendante envers « le petit personnel ».
La politique économique de Macron, une impasse en tout domaine.
Depuis son arrivée au pouvoir, Macron a baissé les impôts sur les actionnaires et les rentiers. Les grandes fortunes ne sont plus taxées sur la valeur de leur patrimoine en actions, le taux d’impôt sur les résultats a été abaissé à 28%, le taux d’imposition des plus-values et des dividendes a été ramené à 30% soit nettement moins que les 45% de taux d’impôt sur les revenus salariaux un peu élevés. Le capital est nettement moins taxé que le travail. Le résultat a été une croissance du PIB moyenne historiquement faible de 0.7% par an. En parallèle, Macron réduit sans cesse les protections contre le chômage, six millions de Français étant pourtant encore inscrits à France Travail (ex Pole Emploi). Un chômeur touche 60% de son salaire net et quand il est cadre, 40% après 6 mois de chômage. L’écart entre le revenu des salariés et des demandeurs d’emploi est ainsi accru. Les chômeurs auront intérêt avec les différentes réformes à accepter n’importe quel travail dans n’importe quelles conditions de travail. La volonté de faire travailler les 2 millions de personnes au RSA ira dans le même sens. Evidemment, ces mesures exerceront une pression supplémentaire sur les salaires, s’ajoutant aux pressions sur les salaires exercés par les 400.000 entrées par an d’immigrés sur le territoire français. Cette politique creusera la grogne, le désengagement et la démotivation des salariés. Nous sommes peut-être en face d’un cercle vicieux qu’il est urgent de rompre. D’autant plus que ce problème de productivité française entrave la réindustrialisation du pays, objectif nécessaire pour arrêter l’appauvrissement des Français et assurer la puissance de la France. Faire baisser le taux de change pour briser ce cercle vicieux, pour compenser la baisse de productivité actuelle afin de réindustrialiser n’est malheureusement pas possible puisque nos dirigeants ont fondu notre monnaie dans l’euro.
La politique économique suivie est une impasse comme je le montrai déjà dans un article pour Front Populaire « L’UE va-t-elle envoyer les économies européennes par le fond avec des politiques économiques absurdes ? »
Je conclurai en posant cette question. La France a vu les grandes organisations collectives se disloquer depuis 200 ans : la religion à partir de la fin du 19ème siècle, la Nation avec son « dépassement » par la construction européenne, et progressivement la cellule familiale avec le divorce généralisé, le wokisme et le phénomène trans. Serait-ce maintenant le tour des entreprises, autres organisations collectives humaines ?
[1]Source Natixis https://research.natixis.com/Site/fr/publication/OpJ8D_WOoc8CcMyuecoHaw%3D%3D
[2] Source Statista https://fr.statista.com/infographie/31365/evolution-du-pourcentage-de-salaries-au-smic-en-france-et-du-montant-du-salaire-minimum/
[3] Source Insee https://www.insee.fr/fr/statistiques/5412794
[4] Source https://www.lesechos.fr/economie-france/social/sante-mentale-1-salarie-sur-2-sestime-en-detresse-psychologique-2031075