Le bras de fer entre l’Italie et l’Union Européenne sera un formidable révélateur.

Le drame politique italien s’est donc dénoué jeudi 31 Mai : après que le président Matarella ait refusé de nommer un gouvernement M5S et Lega issu de la majorité des votes des italiens pour cause de ministre de l’économie et des finances anti-euro, Paolo Savona, après avoir essayé de former un gouvernement à partir d’un ancien économiste du FMI Carlo Cotarelli ( !), un gouvernement M5S et Lega a finalement été accepté par le président italien. Le coup était trop gros, le viol démocratique était trop flagrant pour que la solution FMI tienne la route.

Pour sauver la face, Paolo Savona n’est plus ministre de l’économie et des finances mais ministre des affaires européennes ce qui promet de jolis empoignades à Bruxelles. Le premier ministre reste Giuseppe Conte, adjoint de 2 vice-premier ministre de poids : Luigi di Maio président du M5S et Matteo Salvini président de la Lega. Le ministre de l’économie et des finances est un économiste très eurocritique et ayant soutenu le Brexit, Giovanni Tria[1].

La partie de bras de fer ou plutôt de poker menteur peut commencer avec Bruxelles.

Ce gouvernement a 2 priorités : arrêter l’immigration clandestine et renvoyer 500.000 migrants illégaux d’une part, relancer l’économie italienne avec un programme de baisse d’impôt et de relance par la dépense publique d’autre part. Ces 2 priorités voulues par le peuple italien et exprimées par son vote sont « verboten », interdites par Bruxelles.

L’Union Européenne interdit ou gêne considérablement le renvoi de clandestins via certaines Directives et la CEDH : renvoyer un immigrant clandestin est rendu quasi impossible dans les faits à cause des arcanes, volontaires, du droit européen[2]. L’Italie y est soumise comme la France et sauf à violer l’Etat de droit et l’Union Européenne dans le même mouvement, les départs ne sont possibles qu’au compte-goutte, nettement moins rapidement que les arrivées. Le gouvernement italien doit aussi faire pression sur de nombreux pays d’origine qui refusent les retours de leurs émigrants : seules, la menace de sanctions commerciales avec des tarifs douaniers appliqués sur les importations, de sanctions financières avec un non-règlement des aides au développement promises peuvent permettre de débloquer ce refus par ailleurs totalement injustifié. Or, la menace de sanctions commerciales est interdite par l’Union Européenne qui gère les accords commerciaux avec l’extérieur. Le retour des clandestins sera donc dans les faits très difficile et c’est ce que démontrera probablement l’action du gouvernement italien.

Le pays a besoin d’une relance de son économie, le PIB n’ayant presque pas augmenté depuis l’arrivée de l’euro (0.2% par an depuis 16 ans) et le PIB par habitant, donc le revenu par habitant ayant baissé sur cette longue période : en un mot, les Italiens se sont fortement appauvris et l’investissement s’est effondré. La relance de l’économie italienne est un processus bloqué par l’Union européenne. La Commission Européenne examine les budgets des pays et demande des corrections au moyen de nombreux instruments obscurs pour le grand public dont le pacte budgétaire européen TSCG. Si le budget est retoqué et il le sera, le pays sera sanctionné. En tout cas, il n’y a aucune chance que l’UE laisse faire car elle serait alors sous le feu des pays sous contrainte austéritaire européenne désireux de desserrer eux-aussi l’étau budgétaire et des pays du Nord ne voulant surtout pas desserrer cet étau : la phrase du député Allemand Markus Ferber de la CSU « la Troïka doit marcher sur Rome pour prendre le contrôle du Trésor italien » nous informe de la volonté de certains.

Mais surtout, la BCE fera à coup sûr usage de son énorme pouvoir d’alimenter ou non le système financier de l’Italie et donc les banques, l’Etat et l’ensemble de l’économie, pour mettre le pays sous pression. Cela peut se faire brutalement en bloquant presque totalement l’accès aux liquidités aux banques comme en Grèce, cela peut se faire doucement mais surement à travers des techniques d’étouffement diverses et variées. La phrase du Commissaire Européen au budget ,Günther Oettinger de nationalité allemande, « Les marchés financiers apprendront aux Italiens à voter correctement» dit là aussi tout sur la capacité de la BCE à étrangler le système financier italien et à faire ainsi pression sur le peuple italien via la chute des marchés financiers. Eh oui, Euro et diktat des marchés financiers sont bien les 2 faces de la même médaille. Dit autrement, euro et démocratie sont incompatibles.

Face à l’étouffement probable de l’économie italienne que le boa BCE mettra en place, le gouvernement italien aura alors deux choix pour éviter d’échouer à la Tsipras et de trahir son peuple : sortir de l’euro et donc de l’Union Européenne pour pouvoir relancer son économie ou créer une monnaie parallèle à l’aide de mini bons du trésor comme l’ont prévu M5S et la Lega ce qui reviendra donc à sortir de l’euro et rapidement de l’Union Européenne ! Un troisième choix reste possible : le gouvernement ou la partie Lega ou M5S démissionne, imposant presqu’automatiquement de nouvelles élections en expliquant au peuple Italien : vous voulez stopper l’immigration clandestine et relancer l’économie; l’Union Européenne y a fait obstacle par tous les moyens. Nous avons démontré qu’il est impossible d’appliquer votre volonté en étant dans l’Union Européenne. Nous aurions alors la tenue de nouvelles élections qui seraient une sorte de référendum sur ltalexit, avec l’inconvénient d’évoluer dans les mers potentiellement agitées des marchés financiers, excités par les élites eurogagas.

La seule exception à la tenue de nouvelles élections serait que des parlementaires M5S et Lega s’associent aux partis traditionnels pour garder envers et contre tout l’Italie dans l’UE pendant quelques années avec un nouveau contrat de gouvernement, européiste cette fois-ci. On peut clairement espérer qu’aucun parlementaire souverainiste italien ne trahisse le peuple et ne s’engage dans cette voie.

Quoi qu’il arrive, la partie de poker menteur qui se joue en Italie, sera terrible mais passionnante. Elle démontrera à tous ceux qui ne veulent pas le voir que l’Union Européenne n’est pas réformable (ou très très marginalement réformable). Elle dira clairement à tous les électeurs italiens et français que le seul choix est : l’Italexit et le Frexit ou accepter de voir leurs pays s’enfoncer dans une crise de plus en plus violente.

[1] https://www.zerohedge.com/news/2018-05-31/conte-reveals-new-italian-government

[2] https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32008L0115&from=FR

Par exemple, l’article 7 de la directive (CE) 2008/115 du 18 décembre 2008, appelée « directive retour » prévoit que la mesure de reconduite à la frontière d’un immigrant clandestin doit être d’abord volontaire ! Celui-ci a donc tout le temps de disparaître dans la nature… La seule exception étant une atteinte à la sécurité nationale ou une demande de séjour rejetée car elle était manifestement irrégulière (dans les faits, la CJUE ne le prend en compte que de manière très rare, l’interprétation étant toujours très restrictive).